"Calamiteux", "fantaisistes", "désastreux"… les qualificatifs qu'emploie l'UFC-Que Choisir pour évoquer les diagnostics de performance énergétique (DPE) sont imagés. L'association de défense des consommateurs estime que les résultats obtenus par les particuliers lors de l'examen de leur bien immobilier relèvent de la "loterie", malgré les modifications réglementaires intervenues. Elle a mené une nouvelle enquête, selon les mêmes modalités que celles de 2008, 2011 et 2012, afin de vérifier si le marché du diagnostic obligatoire s'était assaini.
"Une stabilité dans la médiocrité"
Nicolas Mouchnino, chargé de mission Energie & Environnement chez UFC-Que Choisir, nous explique : "Des bénévoles, propriétaires de sept maisons datant de plus de 20 ans, et ne présentant pas de caractéristiques trop particulières, donc plutôt typées 'pavillon', réparties sur tout le territoire français (*) ont contacté cinq diagnostiqueurs choisis au hasard sur le site du gouvernement et situés à proximité du bien". Le spécialiste nous révèle que la moitié des professionnels contactés exerçait de façon indépendante, tandis que l'autre moitié travaillait dans des réseaux. Et il écarte d'emblée tout problème concernant la taille réduite de cet échantillon qui risquerait de ne pas être représentatif : "Que les personnes qui avancent cet argument fassent des évaluations sur un panel plus large, de 200 ou de 1.000 maisons pourquoi pas… Mais, jusqu'ici personne ne l'a fait". Selon lui, les résultats obtenus avec cinq diagnostics par maison seraient déjà significatifs, d'autant qu'il s'agit de la 4e édition de cette enquête. "Et les écarts de classes énergétiques sont toujours les mêmes", s'agace-t-il, "il y a une stabilité dans la médiocrité"..
L'attribution des étiquettes énergétiques apparaît en effet pour le moins aléatoire. Que Choisir annonce : "Aucune des sept maisons auditées ne s'est vue reconnaître la même classe énergétique par les diagnostiqueurs sollicités, le triste record s'établit à trois classes différentes pour un même bien, de E à G !". Nicolas Mouchnino nous confie : "Sur un même bâti, les évaluations sont trop différentes. Les murs sont ainsi considérés comme étant à l'origine de pertes thermiques allant de 15 à 35 %...". Des classements "hasardeux" qui ont un impact sur l'estimation des consommations énergétique d'une maison, avec des factures pouvant varier du simple au double pour un même bien. Et les recommandations de travaux pour les logements "ne sont guère plus brillantes". L'association relate : "Un diagnostiqueur constatant que la perte d'énergie provient des murs n'a pourtant pas recommandé l'isolation de ces derniers… Et, lorsque les travaux d'isolation ont été recommandés, l'indispensable VMC a régulièrement été oubliée". Autre point noir, une connaissance incomplète des aides proposées aux particuliers : les diagnostiqueurs estiment le crédit d'impôt à 15 %, 26 % voire 38 %, alors qu'il est de 30 % depuis le mois de septembre 2014.
Des diagnostiqueurs incompétents mais honnêtes
En revanche, Nicolas Mouchnino souligne l'absence de comportement malhonnête de la part des professionnels contactés : "Ils n'en ont pas profité pour proposer un artisan afin de réaliser les travaux et n'ont pas proposé d'orienter le résultat du diagnostic à la convenance du propriétaire". Mais le spécialiste des questions énergétiques et environnementales déplore d'autres pratiques : "Le temps passé par logement était variable : seulement 20 minutes, ce qui est gênant, jusqu'à plus de 3 heures, ce qui n'est pas nécessaire". Sur les tarifs pratiqués, eux aussi très disparates, l'UFC-Que Choisir signale : "Payer plus cher n'est pas une garantie : certains diagnostiqueurs, parmi les plus onéreux, ont bâclé le travail, en ne visitant pas le bien, ou en occultant certains des éléments essentiels comme le poêle à bois". Et cette variabilité de qualité dans le diagnostic établi est la même, que le professionnel soit indépendant ou qu'il appartienne à un réseau.
Le chargé de mission de l'association invoque un problème de formation insuffisante des diagnostiqueurs et un certain manque de rigueur de leur part : "Le professionnel n'est pas responsable du diagnostic, ce qui pose un réel problème. Car ce DPE est obligatoire et il a un impact sur les prix des biens immobiliers. Cela a des conséquences sur le marché et sur les travaux à faire". Une situation qui pourrait potentiellement générer des litiges puisque dans le cas d'un diagnostic bâclé, l'une des deux parties, l'acheteur ou le vendeur, sera nécessairement flouée. L'UFC-Que Choisir estime que le DPE devrait être immédiatement opposable au bailleur et au vendeur pour que la responsabilité de celui qui l'a établi puisse être concrètement engagée. Autre demande de l'association : adopter sans délai de nouvelles mesures techniques pour fiabiliser les DPE, grâce à une meilleure formation et une certification des professionnels, avec un renforcement des contrôles. Pour Nicolas Mouchnino, l'éventuelle question d'un surcoût de ces mesures, induits par l'adoption de contrat d'assurances adéquats, ne se pose pas : "Si le diagnostic n'est pas porté par le professionnel, cela retombe de toute façon sur le consommateur. Or le bâtiment figure dans le top 3 des générateurs de litige. Vu les sommes engagées, payer un peu plus pour avoir des garanties plus forte serait logique". L'association se pose même la question du caractère obligatoire des DPE, tant leur qualité est décevante…
(*) Les maisons sont situées dans le Nord, le Val d'Oise, les Vosges, la Haute-Loire, l'Hérault, les Pyrénées-Atlantiques et la Loire-Atlantique, afin de couvrir tout un panel de zones climatiques.